Comment réduire les pollutions par les pesticides ? L?INRA et le Cemagref ont publié, à l'occasion d'un colloque qui s'est tenu le 15 décembre dernier à Paris, les conclusions d'une expertise scientifique sur le thème « Pesticides, agriculture et environnement : réduire l'utilisation des pesticides et en limiter les impacts ». Un sujet d'actualité puisque la directive cadre sur l'eau impose l'atteinte, d'ici 2015, d'un bon état écologique des eaux. C?est dire que certains pesticides, jugés prioritaires au sens de la directive cadre, devront avoir disparu ou en tout cas nettement diminué. Un objectif difficile compte tenu des délais de renouvellement des milieux souvent très longs, particulièrement en ce qui concerne les eaux souterraines. D?autant que si l'on en croit le dernier rapport annuel de l'Ifen, les pesticides restent présents à grande échelle dans les eaux superficielles et souterraines : 75% des points contrôlés en eau superficielle et 57% des analyses effectuées dans les nappes d'eau souterraines révèlent des concentrations plus ou moins importantes de pesticides. Quels sont les enseignements de l'étude menée conjointement par l'INRA et le Cemagref ? En près de 700 pages, les auteurs constatent que la question d'une limitation de l'utilisation des pesticides est posée depuis plus de 20 ans. Que les actions de sensibilisation des agriculteurs et les démarches basées sur le volontariat ont montré leurs limites. Que la baisse des tonnages vendus ces dernières années serait plus liée à l'apparition de substances plus concentrées et plus actives qu'à un réel changement des comportements et à une diminution du recours aux pesticides. Qu'il n?existe pas d'alternative à l'emploi des pesticides qui soit à la fois aussi facile, efficace, bon marché et surtout qui ne remette pas en cause les objectifs de rendement élevé. Dès lors, comment limiter l'emploi et l'impact des pesticides ? L?étude cite en exemple les résultats obtenus par le Danemark qui a pu réduire de 23% en l'espace de deux décennies la consommation de pesticides sans que ses agriculteurs s'en trouvent économiquement pénalisés : il montre qu'une politique ambitieuse en matière de réduction des pollutions par les pesticides mobilise des outils réglementaires et des mesures incitatives, associées à un niveau de taxation suffisamment élevé pour être dissuasif. Mais en France, la TGAP ne rapporte actuellement que 32 M? par an, soit moins de 2% des factures de pesticides. Autant dire rien. Quant au projet de loi sur l'eau qui prévoit l'abandon de la TGAP au profit d'une redevance spécifique perçue par les agences de l'eau, son taux, à peine plus élevé que celui de la TGAP, représenterait 2,2% du montant des ventes annuelles de pesticides ! « Ce faible taux de redevance, et le fait que moins de 30% des recettes seront redistribués aux agriculteurs économes en pesticides font que cette nouvelle disposition risque d'être, elle aussi, peu incitative », soulignent les auteurs du rapport. En France, tout reste donc à faire. Mais ce rapport montre que les alternatives existent pourvu qu'apparaisse une volonté politique forte pour les mettre en ?uvre.